Droit des marques français : Absence d'atteinte aux marques antérieures, malgré leur renommée
Dans cet article, nous allons expliquer le cadre juridique de la protection des marques de renommée en droit français et analyser, à titre d’exemple, la décision n° 22/04646 de la Cour d'appel de Paris du 28 février 2024 concernant les marques renommées "DROUOT".
- Présentation du concept de la "marque renommée" en droit des marques français et son intérêt pour la protection de ces marques (les marques renommées bénéficient d'une protection élargie)
- Etude de la jurisprudence "DROUOT" : un exemple des limites de la protection élargie des marques renommées
- Optimiser la protection de sa marque renommée en France
La notion complexe de "renommée" en droit des marques français
La notion de "renommée" revêt une importance capitale dans le droit des marques en France. Comprendre cette notion jurisprudentielle est essentiel pour appréhender l'étendue de la protection accordée aux marques. En effet, les marques renommées peuvent bénéficier d'une protection élargie, c'est-à-dire au-delà des produits et services pour lesquels elles ont été enregistrées. Les critères pour bénéficier de cette protection élargie ont été établis par la jurisprudence européenne et française:
Afin de bénéficier du régime des marques renommées, la jurisprudence se réfère à la notoriété exceptionnelle d’une marque auprès d'une partie significative du public pertinent. En France, le degré de connaissance par le public d'une marque renommée s'apprécie en fonction du territoire sur lequel elle est exploitée ainsi que de l'intensité et de la durée de son usage et encore de l'importance des investissements publicitaires liés à cette marque. Ces critères doivent être clairement démontrés pour que la marque puisse bénéficier d'une protection renforcée en tant que marque renommée.

L'interprétation de la renommée d'une marque requiert une analyse approfondie de sa position sur le marché, de son impact auprès du public cible et de son caractère distinctif par rapport aux autres marques concurrentes. Une bonne compréhension de la notion de marque renommée permet aux entreprises titulaires de droits d'obtenir une protection renforcée pour leurs signes distinctifs et de lutter contre toute utilisation non autorisée ou préjudiciable à leur réputation et à leur valeur sur le marché.
Il est également important de noter que la
recherche universitaire peut fournir des informations précieuses sur ce sujet, offrant ainsi une perspective plus holistique sur la renommée des marques en droit français.
La décision "DROUOT" : l'absence d'atteinte à la renommée des marques "DROUOT" par la marque concurrente "DROUOT SPORT"
La décision n° 22/04646 de la Cour d'appel de Paris du 28 février 2024 impliquant les marques renommées "DROUOT" et la marque postérieure "DROUOT SPORT" montre néanmoins les limites de la protection élargie des marques renommées.
En l'espèce, la société DROUOT PATRIMOINE, une société spécialisée dans l'organisation de ventes aux enchères d'objets d'art, détient plusieurs marques françaises et de l'UE qui jouissent d'une renommée incontestable auprès d'une grand partie du public pour les services de ventes aux enchères d'objet d'art.
La société DROUOT PATRIMOINE a découvert que la société HOLDING DROUOT SPORT a déposé la marque française semi-figurative "DROUOT SPORT" pour exploiter une clinique de sport dans le quartier Drouot à Paris.
Les marques antérieures « DROUOT » n'étant évidemment pas enregistrées pour des services médicaux ou chirurgicaux, la société DROUOT PATRIMOINE fait valoir la renommée de ses marques antérieures afin d'obtenir l'annulation de la marque postérieure "DROUOT SPORT" ainsi que l'indemnisation de son préjudice résultant de l'atteinte présumée à ses droits antérieurs.
Le Tribunal judiciaire de Paris a rejeté cette demande dans une décision du 27 janvier 2022. L'appel interjeté à l'encontre de ce jugement par la société DROUOT PATRIMOINE est également rejeté. Les motifs reposent sur les éléments suivants :
- La Cour rappelle que pour décider si l'utilisation de la marque contestée porte atteint aux marques antérieures renommée, il faut analyser si un lien ou une association entre les deux signes pourrait être établi dans l'esprit du public.
- En l'espèce, la Cour estime que les deux marques désignent des services relevant de secteurs totalement différents, entre lesquels aucune complémentarité n'existe.
- La Cour d'appel de Paris estime encore que les deux signes opposés ne sont pas identiques, mais présentent une similitude moyenne : la marque postérieure "DROUOT SPORT" est une marque semi-figurative, qui présente des différences visuelles avec les marques antérieures.
- Par ailleurs, le seul élément commun entre les deux marques, l'élément "DROUOT", désigne un quartier dans le 9e arrondissement de Paris. La marque seconde "DROUOT SPORT" évoque donc pour le public moyen une clinique du sport dans le quartier Drouot à Paris, ce qui exclut tout risque de confusion ou association avec les marques renommées antérieures "DROUOT".
Cet exemple jurisprudentiel permet d'examiner de près l'interprétation de la notion de marque renommée par les Tribunaux en France, mais montre également les limites de ce concept.
Comment assurer une protection optimale d'une marque renommée en France
Les titulaires de marques renommées peuvent mettre en place diverses stratégies pour assurer une protection efficace de leurs droits. Le Cabinet d'avocats DOMANSKI vous conseille en amont sur les différentes mesures et vous accompagner dans vos démarches :
- La surveillance continue : une surveillance régulière du marché est cruciale pour repérer toute utilisation non autorisée de la marque renommée. Cela peut se faire à travers des outils de veille et des enquêtes sur le terrain. En identifiant rapidement les infractions potentielles, les détenteurs de marques renommées peuvent prendre des mesures préventives ou engager des poursuites judiciaires si nécessaire.
- Les recours judiciaires : en cas d'atteinte avérée à la renommée d'une marque, les titulaires ont la possibilité d'introduire une action en contrefaçon ou en nullité devant les tribunaux compétents en France ou une procédure d'opposition devant l'INPI. Ces actions visent à faire cesser l'utilisation non autorisée de la marque renommée et éventuellement à obtenir réparation pour le préjudice subi. Les recours judiciaires sont un moyen essentiel pour faire valoir et défendre les droits des marques renommées dans un contexte concurrentiel.
En combinant ces différentes stratégies, les détenteurs de marques renommées peuvent renforcer leur position sur le marché et préserver l'intégrité de leur marque face aux défis potentiels.



